EcranLarge : entretien avec Simon Riaux

Lancé en 2004, EcranLarge a refait peau neuve il y a quelques mois (avec notamment la disparition de son forum) mais continue à officier comme source d’informations sur le cinéma et de plus en plus les séries TV, toujours avec un ton… parfois particulièrement caustique.

Afin de nous parler de la nouvelle orientation du site, plus ancrée dans un monde où les réseaux sociaux prédominent, nous avons posé nos questions à Simon Riaux, journaliste sur le site.

  • Combien de personnes comporte l’équipe ? Quelle est la répartition des tâches / spécialité de chacun ?

EcranLarge (EL) est composé d’une dizaine de personnes. Trois travaillent quotidiennement sur le site, les autres contribuent plus ponctuellement, cette participation s’effectuant au coup par coup en fonction justement des spécialités de chacun. La particularité de l’équipe est d’être relativement polyvalente. Nous nous différencions plus par nos goûts que les types de papiers que nous affectons.

  • Chaque équipe a sa préférence, sa ligne éditoriale. Vers quel type de contenu EcranLarge met-il l’emphase ? News des coulisses, annonces de production, critique cinéma, sorties vidéo ?

EL met l’emphase sur les news, notamment les annonces de productions, la publication de divers éléments promotionnels. Nos deux autres domaines de prédilection sont les critiques et les sorties vidéos. Ce sont les trois pôles autour desquels s’est structuré EL dès sa conception et, logiquement, ceux autour desquels nous sommes toujours organisés aujourd’hui.

  • L’année passée, EL a eu un sérieux ravalement de façade, éliminant notamment son forum au profit d’une interface plus « facebookienne », avec un système de commentaires directement en bas des articles. Pourquoi cette nouvelle orientation ? Fonctionne-t-elle aujourd’hui d’un point de vue du trafic généré ?

La précédente version d’Ecran Large était obsolète, techniquement et esthétiquement, il était donc nécessaire d’offrir au site une seconde vie. La charte visuelle que vous évoquez est le fruit d’une réflexion très simple. Nous voulions que le site paraisse plus simple, moins chargé, plus clair et lisible. En quelques années, les réseaux sociaux sont devenus un pourvoyeur d’audience majeur, il était donc logique de penser la nouvelle charte graphique du site de manière à ce qu’elle invite le lecteur au partage, et lui procure un confort de lecture supérieur à la précédente.

Concernant le trafic, cela a eu un impact positif indiscutable, les audiences étant en hausse continue depuis la mise en ligne de la nouvelle version. Il est par contre difficile d’évaluer, dans cette nouvelle audience, quelle est la proportion de lecteurs visitant le site parce qu’il est techniquement plus performant, et quelle est la proportion attirée par le fait que nous produisons plus d’articles que précédemment.

  • Par rapport à l’ancienne structure, quels changements ont été opérés dans l’orientation des articles publiés ? Plus de news, moins de tests d’éditions vidéos, etc. ?

Il y a eu peu de changements en termes de ligne éditoriale. Nous nous focalisons sur les news plus abondamment qu’il y a quelques années, car la plupart des lecteurs viennent sur EL pour découvrir de l’actualité chaude. Nous aussi, en tant que lecteurs, appartenons à une génération dont la cinéphilie s’est forgée avec ou contre une industrie transformée en rouleau compresseur promotionnel. Même si le cinéphile et le cinéphage savent décrypter une promotion et lire entre les lignes des discours marketing, ils sont curieux de les découvrir. Nous partageons aussi ce plaisir et lui donnons donc une grande visibilité sur le site, d’autant plus qu’il est pourvoyeur d’audience.

  • Si vous pouviez apporter un type de contenu supplémentaire spécifique manquant aujourd’hui au site, lequel serait-il ?

Il ne s’agit pas tant de contenu absent que de sections que j’aimerais voir plus fournies. J’aimerais, sans fantasmer l’exhaustivité, pouvoir publier beaucoup plus de critiques et de compte-rendus de festivals. Ces derniers sont des papiers auxquels je suis très attaché, qui offrent une grande liberté à leur rédacteur, permettent de rendre compte de manière assez directe de l’état de certaines cinéphilies et de rendre hommage ou de donner la parole à des acteurs du cinéma qu’on n’entend peu (hormis lors de manifestations majeures comme Cannes ou Deauville). Ce sont également des papiers qui permettent de sortir un peu des terrains balisés critiques-interview-previews-news.

  • Une constante chez EL a toujours été le traitement caustique de certaines news très anodines (par exemple, les news people). C’est visiblement toujours le cas actuellement. Est-ce une volonté propre à l’équipe d’EL de montrer un certain recul vis-à-vis du traitement de news générant avant tout du clic, ou est-ce que cette causticité est aussi un élément payant niveau trafic généré ?

L’humour et la causticité d’EL sont directement issus de ce qui précède. Oui, nous aimons découvrir la dernière bande-annonce de telle production attendue, nous aussi sommes friands de connaître la dernière sortie de tel ou tel comédien. Mais on ne nous la fait pas. Ce n’est pas parce que nous sommes, comme nos lecteurs, affamés d’une certaine actualité « de flux » que nous ne devons pas la remettre en question, ou tout simplement la contextualiser.

Par conséquent, pour analyser, déconstruire, voire critiquer un discours promo, l’humour nous paraît la seule voie pertinente et viable. Le public aime cette promotion intensive, il y souscrit et y répond, plus que ce que les studios pouvaient fantasmer il y a quinze ans de ça. Mais il aime tout autant qu’on lui dévoile l’envers du décor, ou une partie de la recette.

Il est très difficile de dire si le ton d’EL est en soi un pourvoyeur d’audience. En revanche, on peut affirmer sans dire trop de bêtises que oui, cette tonalité nous permet de fidéliser des lecteurs qui aiment traquer les dernières news sans qu’on les prenne pour des vaches à clics.

Ce ton est aussi une manière d’amener notre savoir-faire, sans que le lecteur le perçoive comme une intrusion verticale. À l’heure des réseaux sociaux, des communautés et de l’instantanéité, se revendiquer d’une expérience ou d’une connaissance est souvent mal perçu. En clair, le spécialiste devient un peine à jouir rébarbatif, qui plaquerait sur un art populaire une pensée universitaire que récusent les lecteurs.

Or, il se trouve que chez EL, on aime autant Terrence Malick que Michael Bay. J’exagère bien sûr, mais l’absence de chapelles ou profession d’esthétique aveugle est un des traits de caractère de l’équipe EL. Par conséquent, si l’on veut critiquer une œuvre adorée du lectorat (The Walking Dead, par exemple) ou sensibiliser un public très jeune et hétérogène à un sujet qu’il ne connaît pas (comme le Nouvel Hollywood), l’humour et la causticité nous permettent souvent de désamorcer le procès d’intention auquel le journalisme culturel est de plus en plus souvent confronté.

  • Ce changement d’interactivité avec les articles a attiré de nouveaux profils de participants, certains semblant avoir une tendance au troll, ou sinon au moins à des commentaires pas toujours très constructifs, prenant notamment la rédaction à partie pour telle ou telle raison (par exemple : « La Rédaction n’écrit jamais rien de positif sur Luc Besson »). Pourtant, vous prenez le temps de leur répondre, souvent avec humour (là aussi fréquemment caustique). Est-ce que cela vous amuse, dans le fond, ou trouvez-vous cela dommage que cette tribune ne soit plus productive ?

Ah les commentaires… Essentiellement ils nous amusent. Certains sont encourageants, d’autres naïfs, certains euphorisants, et d’autres terriblement désagréables. Mais leur nombre croissant et leur côté « électrique » nous laisse croire que nous allons dans la bonne direction et que ce que nous essayons de faire, créer une communauté xénomorphe et de mauvais goût, ne relève pas totalement du fantasme.

Nous remercions chaleureusement Simon Riaux pour son amabilité et la disponibilité dont il a fait preuve le 24 août 2015 pour répondre à nos questions.

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