De l’analyse du révisionnisme en préservation, et de la Truelle Artificielle©

Ils étaient attendus beaux et sentant bon le sable chaud, eh bien les voici, les remasters 4K de quatre films de James Cameron : Titanic, Abyss, Aliens et True Lies. Une particularité pour deux d’entre eux : des grosses productions de studios n’étant toujours pas passés par la case Blu-ray, et donc techniquement encore plus attendus. Et dans le cas d’Abyss, le DVD était en plus antédiluvien et techniquement totalement obsolète.

C’est peu dire qu’ils ont mis du temps à arriver : Skip Kimball, étalonneur chez Company 3, avait publié une photo de l’étalonnage en cours (voire en finalisation) du remaster d’Abyss… en mars 2019 (et c’est finalement Trish Trieu qui l’a finalisé) ! Plus de quatre ans après, les films remasterisés arrivent progressivement, avec un UHD de Titanic déjà paru, et les trois autres films disponibles en streaming 4K aux USA avant une sortie physique un peu plus tardive (trois mois d’exclusivité streaming tout de même – ce qui n’est d’ailleurs pas forcément très cohérent avec les propos de Cameron à ce sujet, mais bref).

Force est de constater que les résultats font débat (du moins : le consensus est clair, mais on trouve bien des gens pour ne pas voir les problèmes d’un master comme le récent remaster d’American Graffiti), et le discours autour de ces remasters se situe au carrefour de plusieurs aspects me passionnant à Testsbluray.com, tant sur la préservation du cinéma, les restaurations/remasters que leur analyse. Et dans le cas présent, tout cela se montre largement discutable sur tous ces aspects.

Tout d’abord, il convient de rappeler les bases factuelles (mot clé : factuelles) : ces quatre films, certains attendus donc depuis belle lurette et au moins un d’entre eux dans les tuyaux depuis plus de quatre ans, ont été passés à la moulinette d’un ensemble de filtrages numériques artificiels, combinaison d’atténuation du grain (il parait qu’il ne faut plus dire « dégrainage » car ce ne serait « plus du tout pareil » de nos jours), d’accentuation artificielle et d’upscale, le tout via l’algorithme en « machine deep learning » développé par Park Road Post, filiale de WingNut Films (la société de production de Peter Jackson). Cette précision n’est pas anodine : c’est la même société qui a travaillé sur (et le même type de procédé déjà appliqué sur) Get Back, pour le (désastreux) résultat que l’on connait. De fait, à partir de ce point, nous ne parlerons plus de travaux par IA, mais de travaux par TA (pour Truelle Artificielle©).

Ensuite, les doutes subsistent et les infos contradictoires pleuvent quant à la teneur exacte et complète des travaux effectués. Pour Titanic, il est certain qu’aucun nouveau scan n’a été effectué et que celui de 2012 a été réutilisé. L’incertitude est si, ensuite, des nouveaux travaux en 4K ont été effectués, avec à la clé un vrai travail final en 4K, ou si les travaux précédents, semble-t-il finis en 2K (puisque certains parlent d’un DI 2K) auraient été repris (ce qui expliquerait le « besoin » d’un upscale généralisé). Bref, ce n’est pas clair, et ça l’est encore moins pour True Lies et Aliens, puisque les comparaisons au précédent master HD pour le 1er et au Blu-ray 2010 pour le 2nd pointent vers la réutilisation des précédents masters (cf EDIT plus bas : cela a été confirmé formellement pour Aliens), « simplement » moulinés par la Truelle© et ses filtrages en tout genre. Quant à Abyss, il s’agirait là aussi de la réutilisation d’un master qui aurait presque 10 ans, ré-étalonné puis lui aussi mouliné artificiellement.

Sur le papier, c’est donc techniquement décevant, et on s’attendait à la fois à plus de boulot technique mais aussi à un boulot plus simple et direct : nouveau scan, nouveaux travaux de nettoyage et d’étalonnage, et hop : nouveau master.

Et à l’écran ? Eh bien, si ça se voit à l’écran que c’est filtré dans tous les sens… c’est que ça l’est et que ça se voit. True Lies est une aberration parfois involontairement et tristement hilarante de nullité, le film étant transformé en musée de cire extra-terrestre de par l’ensemble des filtrages appliqués, sans compter des soucis purement liés aux limites des truelles artificielles© (encore plus avec un objectif d’altération pareil). Aliens et Abyss sont un mélange de dégrainage et d’accentuation artificielle ressemblant… exactement à ça (en se souvenant qu’en plus, la couche de truelle© appliquée sur Aliens le fait sur un master qui avait été obtenu via un process Lowry déjà très intrusif – cela signifie une couche de bidouilles par-dessus une couche de bidouilles). Quant à Titanic, il n’est pas surprenant que les rumeurs de bidouillages soient apparues rapidement, vu que le rendu correspond effectivement là aussi à ça, c’est-à-dire une image composite ne correspondant à rien de naturellement argentique, notamment à cause d’un écart entre la délinéation des détails (très élevée) et le reste de la texture argentique de l’image (au contraire très peu présente).

Cela fait longtemps que je plaide pour garder en tête que l’analyse d’une restauration/remaster doit rester simple et directe, car cela suffit l’immense majorité du temps à déduire correctement les choses, mais cela évite aussi de tordre la réalité dans tous les sens pour tenter de justifier l’injustifiable, voire de faire des doubles standards (ou plus simplement partir dans des considérations en fait hors-sujet). Ici, dès les premières captures de Titanic, il était visible que l’image avait été trafiquée. C’est donc visible. Et c’est visible car c’est intrusif. Est-ce qu’un filtrage intrusif est une bonne chose ? Non. Donc il y a un problème.

Cela ne sert à rien de tenter toutes les pirouettes possibles pour expliquer autrement le rendu de ces remasters que par une couche de Truelle Artificielle. Comme quasi toujours : la logique la plus simple donne la bonne déduction : ça semble bidouillé dans tous les sens ? Ô surprise : c’est car ça l’est.

Voilà. C’est posé. Et c’est là où on se situe au carrefour de ce qui anime un site comme celui-ci : d’un côté ce qu’on nous montre, de l’autre comment on doit l’analyser.

Des cas comme ces remasters, dont trois d’entre eux (True Lies étant clairement un cas à part – et pas en bien) sont certes dans un entre-deux discutable, sont les juges de paix pour comprendre les curseurs des gens que l’on peut lire sur ce type de sujets. Quelqu’un trouve que le remaster 4K de Terminator 2 est très bien ? Cela parle de soi-même (ce retour manque de fiabilité). Titanic ? …C’est plus compliqué, mais en même temps, n’est-ce pas précisément là où on a besoin de testeurs fiables et capables de discernement fin ? De jauger avec justesse et finesse de ce qui s’est passé ? D’aller chercher l’explication pas évidente, en s’appuyant sur toute l’expérience qu’ils ont emmagasiné au fil des cas rencontrés ? Personne n’a besoin d’un chroniqueur technique pour se rendre compte qu’un truc immensément loupé l’est, tout comme personne n’a besoin qu’on lui dise que « l’UHD de Dune 2021 est top » pour s’en rendre compte. Le besoin, l’intérêt se situent dans les cas particuliers, les entre-deux compliqués où c’est gentiment bidouillé mais pas tant que ça mais un peu quand même.

La valeur ajoutée d’un chroniqueur technique et de son expérience est précisément quant il s’agit d’analyser les entre-deux compliqués. Personne n’a besoin d’aide pour se rendre compte que l’UHD de Dune 2021 est top.

Or, écrire des retours techniques sur ces sorties vient avec une responsabilité. Ces retours écrits n’évoluent pas dans une bulle : ils sont lus par des gens qui vont en tirer des conclusions, et qui vont peut-être (ou pas) dépenser de l’argent suite à leur lecture. Certes, il faut rester humble quant au nombre de personnes que ça influencera (soyons honnêtes), mais il n’empêche que ces écrits sont rédigés pour être lus et pour guider les lecteurs (sinon, on ne s’en donnerait ni la peine ni le temps), tout comme leurs lecteurs prennent le temps de les lire car ils cherchent activement ces informations. De fait, quand on écrit « vous pouvez y aller, il n’y a rien à redire »… cela doit être le cas. On ne peut pas, et je dirai même que l’on ne DOIT pas, lire cela en tant que lecteur, y aller la fleur au fusil et se rendre compte en lançant le disque que « eh mais oh, c’est quoi ce truc fait à la Truelle©, là ? »

Permettre de lire cela, c’est d’une part risquer cet écart entre le retour proposé et la réalité vécue par le lecteur. Quelle est ma réaction quand je constate que je n’ai pas à l’écran ce qu’on m’avait vendu, comme en 2012 avec Les enfants du paradis ? Déjà, je me dis que c’est très triste pour le film maltraité (car tout film maltraité de la sorte est un film de trop), ensuite que j’aurais pu et du filer mon pognon à un titre mieux traité (et voter ainsi avec mon portefeuille), et surtout : que je ne ferai plus confiance à la personne qui m’avait conseillé.

C’est ensuite être permissif avec ces méthodes de restauration/remasterisation. La décision est peut-être (et probablement) motivée par quelqu’un de l’équipe du film et n’est pas une erreur de fabrication. Mais ce n’est pas le sujet, sauf à ne plus vouloir se contenter de décrire le résultat technique et se mettre à mélanger des choses indépendantes. Une mauvaise idée technique reste une mauvaise idée technique, peu importe de qui elle émane, et c’est ce résultat qui est analysé. Or, ce qui s’est passé ici EST une mauvaise idée, puisque les effets adverses des filtrages artificiels SONT visibles. Ils sont visibles rien que sur captures, et c’est pire en visionnage, la Truelle Artificielle© ayant eu d’autres soucis encore avec certains mouvements. Si cette combinaison de filtres avait été appliquée à Spartacus, Full Metal Jacket ou Retour vers le futur, les résultats auraient-ils été bien accueillis ? Bien sûr que non, donc aucune raison de faire des exceptions. Accepter (voire défendre) ces pratiques, c’est laisser penser à l’industrie que ça va, que ça passe, et que si elle voulait les déployer plus largement, le chemin serait libre. Or, l’industrie et ses passionnés n’ont pas passé 20 ans à tenter d’expliquer au public que non, « des films tournés en 35mm ne sont pas censés ressembler à des tournages numériques » pour que finalement, ce soit ce qui leur est proposé : des films tournés en 35mm et bidouillés pour tenter de les faire ressembler à des tournages numériques. Ce qui n’est d’ailleurs toujours pas le cas, et c’est justement le point de départ : si Abyss avait été tourné en numérique, il ressemblerait à un film tourné en numérique, et non pas à un film tourné en argentique puis dégrainé et accentué.

Enfin, c’est ne pas se mettre en valeur analytiquement et/ou éthiquement (rapport à l’éthique d’une restauration de patrimoine). Quand des dizaines de cas précédents se sont fait taper dessus pour des raisons similaires, c’est au mieux accepter bizarrement de fermer les yeux sur certains cas (allez savoir pourquoi), au pire écrire des choses en lesquelles le lecteur ne peut pas avoir confiance, car on lui donne des informations inexactes voire totalement erronées. Donc si vous lisez des retours techniques de Titanic ne mentionnant même pas les filtrages appliqués : ces personnes ne sont tout simplement techniquement pas fiables.

Il ne s’agit pas d’une gêne spécifique à ces 4 remasters : minimiser les soucis des travaux effectués ici, voire défendre leurs résultats, c’est envoyer à l’industrie le message qu’elle pourrait à l’avenir bidouiller d’autres films de la même manière, un désastre qui nous renverrait 30 ans en arrière mais avec lequel on n’aurait pas plus de soucis que ça.

Car encore une fois : l’intrusivité de ces filtrages se voit : sur captures, en mouvement, en conditions « normales » de visionnage, sur PC, sur TV. Si elle ne se voyait pas, les remasters n’auraient pas fait parler d’eux… puisqu’il n’y aurait rien eu à voir. Il convient alors de se demander : comment analyser ces remasters d’un point de vue technique ?

Pour moi, la réponse a été donnée plus haut : il faut le faire le plus simplement possible. Est-ce que ces remasters paraissent naturels (pour des films tournés en 35mm, scannnés et remasterisés en 4k) ? Non. A partir de là, c’est de l’intérêt de tous d’analyser froidement le pourquoi du comment : ce qui a été fait, et le résultat à l’écran.

Ici : les filtres utilisés et la façon dont ils l’ont été ont créé une altération notable de l’aspect des films, remplaçant un aspect filmique par un rendu révisionniste proche de ce qu’on obtient en mettant Netteté et DNR à fond sur sa TV. Si, test après test, nous retirons des points aux restaurations/remasters faisant usage d’atténuation du grain, d’accentuation artificielle ou tout autre bidouillage, ce n’est pas pour considérer que ça passerait pour certains films qui pourraient se le permettre, ou je ne sais quelle autre vue de l’esprit. Cette vision est appuyée par ce qui est très largement considéré comme étant les bonnes pratiques par les laboratoires de restauration et retranscrites ensuite en vidéo, d’où le fait que ce type de travaux restent (heureusement) très minoritaires sur le marché, et qu’il y a au contraire un vaste ensemble de travaux auxquels les comparer. Il ne s’agit donc pas d’une posture de principe provenant de quelques grincheux, mais d’un constat techniquement (les effets délétères visibles des filtrages) et empiriquement (la répartition en nombre des travaux aussi filtrés par rapport à ceux ne l’étant pas) concret, constatable, et réfutant d’emblée l’affirmation contraire. Si ces films restent ceux de Cameron, invoquer cela ne fait pas disparaître comme par magie les filtrages artificiels appliqués : si demain, Cameron veut que ses films soient atomisés au dégrainage jusqu’aux visages cireux, ce sera son choix, mais cela restera techniquement objectif de pointer cette atomisation et son effet délétère, sauf à penser que ce sont aux œuvres d’être ajustées à leur zone de confort ou afin de faire péter son matos rutilant, dans une approche purement technophile faisant fi de toute éthique de restauration du patrimoine.

Cela ne sert donc à rien de tenter de tordre son raisonnement pour tenter d’expliquer qu’après tout, aucune restauration numérique n’est vraiment fidèle puisque c’est du numérique, comme si on pouvait dire que tout est équivalent, qu’un étalonnage numérique est tout autant du traitement artificiel qu’une passe de DNR+EE 2.0, et qu’au fond, tout se vaut, tout n’est qu’une affaire de nuances, et que les remasters 4K de Spartacus, Terminator 2 et Titanic naviguent dans un même panier. En vérité, tout cela ne fait que créer un double standard visant soit à justifier une myopie temporaire (et plus ou moins pratique), soit à refuser d’admettre un biais de jugement plus ou moins conscient (qui fait que même quand c’est une mauvaise idée, si ça vient de Cameron, alors ça va). Mais alors, que fait-on alors pour tous les films trop anciens pour avoir des survivants qui pourraient cautionner de tels filtrages ? Sont-ils condamnés à ne jamais être truellables sans pouvoir en être excusés ? Bref, c’est au mieux tenter de se défausser de légitimer ces pratiques, au pire ne même pas être capable de les percevoir tout en se croyant pourtant suffisamment affûté pour faire des retours techniques.

Ce qui peut servir à clore, cependant, tout débat de fond, c’est de bien relire qui s’exprime sur le sujet. Est-ce qu’on parle de personnes capables, qui l’ont démontré encore et encore, et qui simplement ici disent « oui, c’est filtré, oui ce serait mieux sans, mais visuellement, l’intensité des problèmes reste suffisamment limitée pour ne pas tenir du désastre » ? Ou est-ce qu’on parle au contraire de gens ayant démontré, cas difficile après cas difficile, une incapacité technique et analytique à produire une analyse fine du résultat et proposer un retour factuel, précis et fiable ? D’expérience, c’est malheureusement trop souvent le second cas qui prédomine, quand les premiers se retrouveront, au fond, dans le « camp » de l’analyse fine, de ceux faisant le tri et donnant l’ensemble des infos aux lecteurs. Le second, lui, reproduit encore et toujours le même cycle : déni, attaque, mépris, puis bizarrement beaucoup de discrétion une fois qu’il s’avère indéniablement, concrètement, absolument qu’ils ont toujours eu tort, avant de montrer une vague acceptation pas très assumée qu’ils avaient tort depuis le début. Par exemple, en disant que ça passait mais « pour l’époque », quand bien même des gens n’ont pas eu besoin de cinq ans pour se rendre compte que non, ça n’est jamais allé.

Un cas comme True Lies met d’ailleurs cette théorie à rude épreuve : le film semble passé à travers le même process que les trois autres remasters, mais de manière simplement plus intense, plus poussée, plus flagrante (la rumeur est qu’il ait été le premier des quatre films à être remasterisé via ce process Park Road Post et aurait servi de cobaye – on peut alors se demander qui a pu laisser passer de ne pas refaire une boucle en fin de projet et a accepté de laisser partir dans la nature le prototype). Ce n’est pour autant qu’une variation sur le même thème (ou les mêmes outils), exacerbant les défauts présents sur les autres remasters, tout autant de défauts qui auraient été évités si des outils plus simples et traditionnels avaient été utilisés, et qui auraient permis aux films de ressembler à ce qu’ils sont, c’est-à-dire de films tournés en 35mm entre 1985 et 1997, et non pas à ces versions techniquement et intrusivement révisionnistes.

Enfin, on ne peut pas ne pas prendre ces remasters sans se demander ce qui passe par la tête des gens derrière eux. Est-ce que, disons, Peter Weir et Russell Boyd ont vraiment demandé à ce que Picnic at Hanging Rock soit bidouillé numériquement et que toute sa texture argentique originale soit remplacée par une texture numérique ? Est-ce que Cameron est vraiment en guerre contre le grain argentique et préfère des images qui ressemblent maintenant à des jeux vidéo dernière génération ? Ou est-ce que des industriels leur vendent comme miraculeux des outils qui, en fait, continuent de produire des effets indésirables ? Pour autant, ces personnes ont probablement vu les résultats finaux, et n’ont pas stoppé leur diffusion. Alors quoi, ils sont bigleux et/ou n’ont que faire de l’éthique de la restauration de patrimoine ? C’est d’autant plus surprenant qu’on a déjà eu il y a plusieurs années le cas de Terminator 2, pour lequel il faudrait accepter que Mr James « Le Perfectionniste » Cameron ait laissé le master 4K 3D se faire atomiser au dégrainage comme aucun autre master 3D, laissé plusieurs éditeurs se tromper de master pour la sortie 2D, et n’ait… rien fait une fois cela sorti sur le marché ? Pas un mot, pas une remarque, pas un rappel, rien ? Quelle serait la cohérence ?

Est-ce les personnes pointant ces limites techniques qui sont des « empêcheuses de tourner en rond », ou les gens les considérant comme tels qui manquent simplement de perspicacité technique ?

La certitude, c’est que ces cas de figures RESTENT encore aujourd’hui, et probablement plus que jamais, une extrême minorité des cas. Il y a des raisons à cela, tout comme il y a des raisons pour que ce soit systématiquement cette minorité qui, le plus souvent dans un large consensus, se fait recevoir au mieux de façon mitigée, au pire très négative : c’est car ces résultats ne sont pas « comme les autres », et car ces résultats n’ont rien pour eux qui permettraient de se dire « ahhh, vivement que tous les films passent à travers la même moulinette ».

L’utilité et l’objectif des retours techniques ne peuvent donc rien n’être d’autre que de l’écho de tout cela, froidement, cliniquement, mais intégralement, et sans jamais présupposer ce qui passerait pour « les fans », « le public », « le marché ». Il faut au contraire être aussi bêtement exhaustif que possible et laisser les lecteurs décider pour eux-mêmes. Il n’y a rien de glorieux à laisser penser qu’on est soit bigleux, soit vendu, dans tous les cas : simplement pas fiable.

Et si certains apprécient ces résultats à l’écran : grand bien leur fasse. Sincèrement et honnêtement. De la même manière que certains ont pu trouver absolument formidable le Blu-ray 2008 de The Dark Knight (dégrainé et accentué), le Blu-ray 2016 Universal du Loup-garou de Londres (il y a de bonnes raisons pour lesquelles Arrow ont préféré refaire une restauration), ou, donc, le récent remaster 4K d’American Graffiti, c’est le droit de chacun, quelles qu’en soient les raisons, de trouver l’image flatteuse, agréable, jolie, ou que sais-je encore. Qu’ils en profitent donc.

Mais le fait qu’ils ne voient pas les problèmes présents ne signifient pas que ces problèmes n’existent pas. Cela signifie juste qu’ils n’arrivent pas à les voir ou pas à les analyser objectivement. A chacun ensuite de déduire ce qu’il faut faire d’un tel constat, tant pour les auteurs qui décideraient de passer outre et faire un retour technique quand même, que pour ceux qui pourraient lire ces retours et y placer leur confiance.

EDIT (11 mars 2024) : les premiers retours sur les UHDs (disques) arrivent, et sans aucune surprise, les disques utilisent les mêmes sources que les versions dématérialisées 4K, avec donc les exacts mêmes filtrages en place et la même intrusivité. Qui aurait pu prédire…

EDIT (20 mars 2024) : il est maintenant formellement confirmé que le nouveau master 4K n’est pas du tout basé sur un nouveau scan (1) 4K (2) du négatif du film, mais une reprise (1) du scan 2K (2) utilisé en 2010 pour l’édition Blu-ray du film (qui aurait pu prédire…). DVD Vision précisent quant à eux que la base du remaster Abyss est apparue vers 2014/2015 et celle de True Lies vers 2012.

2 réflexions sur “De l’analyse du révisionnisme en préservation, et de la Truelle Artificielle©

  1. Misère… Et dire que deux de ces cas, il faudrait choisir entre le DVD et ça… « La certitude, c’est que ces cas de figures RESTENT encore aujourd’hui, et probablement plus que jamais, une extrême minorité des cas. » Croisons les doigts. Et merci pour votre plaidoirie aux mots si patiemment pesés pour une critique honnête et vigilante.

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    1. J’ai vraiment essayé de rédiger un article articulé pour résumer pourquoi il est légitime d’être ennuyé, tant par ces travaux que par le réception très béate de la part de certains, mais je ne vois effectivement rien actuellement qui indique un changement structurel des pratiques dans la grande majorité des labos de restauration argentique. Il y aura bien sûr toujours des exceptions, mais il y en a toujours eu, et elles ont généralement été accueillies comme telles (ce qu’elles méritent). Wait & see, mais le fait est qu’il y a suffisamment de restaurations pour permettre de dire que le souci de la préservation plutôt que la modernisation n’est pas l’affaire de « quelques grincheux » (je cite) mais de la quasi totalité de l’industrie. Les modernistes effrénés sont donc une minuscule minorité, comme depuis 20 ans. Là dessus, rien n’a changé et rien ne semble changer.

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