Le poids des éditions collectors dans le marché vidéo physique français

J’avais écrit en mars 2015 un article long-format à propos du marché vidéo physique français. A l’époque, il s’agissait de contextualiser le marché vidéo physique français et ses difficultés (notamment au sein du marché mondial et européen) mais aussi d’émettre quelques pistes de réflexion autour de stratégies marketing plus ou moins efficaces. J’avais notamment pointé les limites des éditions ultra-premium (sans pour autant ne pas comprendre leur logique), tout comme le fait que l’élasticité des prix à la baisse avait ses limites, preuve s’il en était que le seul prix ne faisait déjà pas tout.

Plus particulièrement encore, j’avais discuté l’aspect extrêmement délétère des offres promotionnelles « multi-buy » trop fréquentes, qui ne feraient qu’ancrer un prix de référence trop bas dans l’esprit des gens sans pour autant enrayer la chute en valeur du marché (6 ans plus tard, même hors-pandémie, les chiffres tendent à aller dans ce sens); l’excuse récurrente offerte aux passionnés par le cloisonnement d’un marché en réalité mondialisé mais dans lequel le grand public consomme nationalement; ou l’inefficacité quasi-totale d’une logique purement répressive face à un marché physique dont le public pouvait ressortir sans aller pour autant automatiquement vers le piratage.

Mais j’avais aussi rappelé le besoin d’une forte pédagogique de la part des éditeurs, afin que les consommateurs sortent de leur seul ressenti et comprennent les raisons concrètes, tangibles, chiffrables de certains choix éditoriaux, notamment devant la poussée d’éditions collectors physiquement plus imposantes (avec notamment le grand retour des livres épais) et surtout plus onéreuses.

De fait, puisque cela semble utile de repartir de bases concrètes et chiffrées, je vais essayer ici de traverser quasiment 20 ans de marché vidéo physique afin de répondre aux griefs suivants, émis (trop souvent assez maladroitement) à l’encontre des éditeurs français :

  • Les combos sont une manière déguisée d’augmenter la note, alors que des coffrets séparés satisfont tout le monde.
  • Il y a encore peu, personne n’imaginait payer 50€ pour un seul film, et c’est ce genre d’éditions onéreuses qui expliquent au moins en partie la désertion du marché.
  • Le moindre film qui sort, c’est 30€, voire 35 ou 40€ de plus en plus.
  • Le marché français est majoritairement onéreux, et tout le monde y perd.

Attention : re-préciser les tendances majoritaires réelles du marché ne signifie pas railler ceux trouvant trop cher ce qu’ils veulent acheter, ni nier l’existence d’un courant de fond poussant les éditeurs vers plus d’éditions premium et onéreuses (ni que certaines pourraient sortir dans des formats plus petits, proposer le même contenu, le tout pour un tarif mais aussi des coûts de fabrication moindres). Il ne s’agit pas non plus de justifier l’injustifiable, tel un vendu au grand capital des éditeurs vidéo français. Il s’agit simplement de dépassionner ce qui est, au fond, une simple étude de marché, et de revenir à des bases factuelles et chiffrées. Chacun a droit à son ressenti et à l’utiliser pour questionner certaines pratiques éditoriales, mais de nombreux éléments factuels de réponse sont disponibles publiquement, et ils doivent permettre de rappeler la représentativité de ces ressentis par rapport à l’ensemble du marché, et le poids réel de ces pratiques au sein de l’ensemble du marché.

« Les combos onéreux dégoutent les acheteurs (1), alors que des coffrets séparés satisfont tout le monde (2). »

(1)
J’ai moi-même une ambivalence sur les combos, dans un sens (Blu-Ray/DVD) comme dans l’autre (UHD/Blu-Ray).

D’un côté, ils sont les reliques d’une théorie du ruissellement technique (le « future proof » : les gens achètent les disques plus avancés avant de s’équiper et évitent ainsi de futurs rachats une fois équipés) qui, dans les faits, n’a jamais fait ses preuves, le taux de pénétration des écrans HD (et maintenant UHD) et même des lecteurs « indirects » (consoles de jeux, box internet) restant largement supérieur à celui des disques associés. Cela signifie que seule une minorité du public exploite ces combos pour ce « future proofing », la majorité restante achetant automatiquement des disques « en trop » (c’est-à-dire de faible utilité pour elle).1

Il est cependant compréhensible, notamment dans cette logique de préparation de l’avenir, que certains consommateurs puissent avoir envie si possible de se simplifier la vie et avoir le disque supérieur sans avoir à le racheter spécifiquement. Chez les passionnés et les technophiles en particulier, le calcul est vite fait : mieux vaut ajouter quelques euros au départ plutôt que de quasi-doubler le montant final via un rachat complet.

Pour autant, il ne faut pas oublier que la structure de prix entre des coffrets séparés et des combos n’est pas exactement linéaire. Si produire des coffrets séparés permet au consommateur de ne pas payer des disques qui ne lui sont pas ou peu utiles, la duplication des références et des emballages, la découpe des tailles de lot (2 x 2000 au lieu de 1 x 4000 par exemple), les logiques d’échelles poussant le volume d’un format par celui de l’autre, etc signifient, pour le coût de fabrication, des calculs financiers plus complexes qu’un simple « un disque = x€ à produire, l’enlever = x€ en moins sur le prix du produit ». Sur les combos BR/DVD par exemple, inclure un DVD ne coûte à un projet BR ne coûte, en réalité, plus grand chose : le coût de fabrication n’est pas nul mais est négligeable (sources : Les Années Laser #262 + confirmation de plusieurs éditeurs), la gestion du projet est rationnalisée, l’éditeur économise la gestion d’une référence et la duplication des designs, boîtiers et autres, on double la taille de lot du combo résultant… Ce n’est pas pour rien qu’on ne peut pas corréler le prix au fait d’être face à un combo BR/DVD ou d’une édition Blu-ray seul (en particulier à 20€).

A contrario, si l’inclusion d’un UHD avec un BR pour faire un combo UHD/BR implique forcément un coût (non négligeable cette fois-ci vu les coûts de fabrication d’un UHD), les économies d’échelle réalisées les compensent au moins en partie. On a vu l’exemple du coffret 3 couleurs chez Potemkine : l’éditeur a indiqué que le retrait des UHDs du coffret UHD/BR n’aurait générer qu’une différence de 10 à 20% (source : Facebook), assez loin de ce à quoi certains semblaient s’attendre (et loin de l’écart de coût de fabrication entre un BR et un UHD – pour rappel, pour 5000 exemplaires, un UHD coûte en moyenne entre 4 et 7.4€ à fabriquer, 2 à 6 fois plus cher qu’un Blu-ray, sans compter le surcoût d’un encodage HDR ou Dolby Vision, facturé en supplément). A un placement prix de 80€, cela donne tous calculs faits un coffret BR proposé entre 65 et 70€, loin quoiqu’il en soit des 40 ou 50€ qui seraient « la norme » pour un coffret 3 films selon certains consommateurs. Qui auraient donc trouvé le coffret séparé encore trop cher.

(2)
Les formats séparés ne satisfont pas tout le monde pour autant. On le voit évidemment moins maintenant pour les combos BR/DVD, mais les éditeurs faisant des éditions UHD et BR séparées se voient régulièrement reprocher de ne pas faire de combos et « d’obliger » les quelques « future-proofers » à faire 2 achats. Arrow, dont la politique est plutôt structurée autour d’éditions séparées pour les UHDs (à de rares exceptions près), reçoivent régulièrement sur Facebook ou Twitter des commentaires déçus à ce sujet, tandis que Carlotta en ont récemment reçu pour leurs coffrets Antoine Doinel (source : Facebook). Ces gens expliquent qu’ils auraient même été prêts à payer plus cher pour avoir un combo… soit le comportement exactement opposé à l’argument discuté en (1).

Conclusion :

En réalité, il est impossible de satisfaire « tout le monde ». Quoiqu’un éditeur fasse, combo ou éditions séparées, certains préfèrent l’un pour payer moins, d’autres l’autre quitte à payer plus, et tout cela n’est pas financièrement neutre pour l’éditeur (qui doit bien s’y retrouver dans l’affaire à un moment donné aussi) quelque soit la configuration choisie. Un choix s’imposera donc forcément (à moins que l’éditeur ne fasse… tous les formats séparés PLUS les combos !).

Note :

1 Sur l’absence visible d’impact de l’équipement des Français en lecteurs « indirects » de Blu-ray » (consoles compatibles et box internet avec lecteur) : fin 2012, on décomptait 78.2% de foyers équipés d’écrans compatibles HD (source : CNC), et en juin 2013, on pouvait compter 18% de foyers français possédant une PS3 (en plus, donc, potentiellement des foyers équipés d’un lecteur Blu-ray dédié, et sans compter les box internet compatibles) (source : chiffres publiés à l’époque par Sony). Le CNC donnait en 2013 29.5% de foyers équipés d’un lecteur Blu-ray toute méthode confondue, dont 10.4% via un lecteur Blu-ray dédié… pour une part de marché du Blu-ray de 12.8%.

En 2020, le CNC comptait 17.7% de foyers équipés d’un lecteur dédié, 27% de foyers équipés tous lecteurs confondus… pour une PDM du Blu-ray de 18.6% en volume. Et ce malgré une chute ahurissante de l’équipement en lecteur DVD dédié (83.7% en 2013 contre 45.6% en 2020). Cela relativise très largement l’argument que les ventes de TV ou de consoles (et autres) boosteraient notablement les ventes de support. Evidemment que certains acheteurs se servent de leurs consoles comme lecteurs (Blu-ray ou UHD en fonction), mais on voit ici que ces pratiques sont largement marginales (ou alors, un paquet de gens délaissent leur lecteur dédié).

« Il y a encore peu, personne n’imaginait mettre 50€ dans un seul film. »

Les anciens savent encore mieux que moi combien cette assertion est fausse, à moins d’englober les années 90s et 2000s dans « il y a encore peu ».

Fin 90s-début 2000s, une VHS était vendue à un prix public conseillé (PPC) de 150 à 200 Francs. En euros de 2020, cela représente 30 à 40€, et pour ce prix, c’était une VHS en VF, sans bonus ni boîtier spécial ni livret, pas un combo UHD/BR en édition premium. Pour les LaserDiscs, vendus plutôt 250 à 300 Francs dans les années 90, cela donne même un montant 2020 compris entre 55 et 65€. A noter que cela ne se compense absolument pas par la hausse (aussi liée à l’inflation) des dépenses incompressibles des ménages français (loyers, énergie, carburant pour les trajets domicile-foyer, alimentation) : d’après l’INSEE, si on prend 1999 comme base 100, le revenu brut disponible en 2019 est à 186, la dépense de consommation finale des ménages 179, le revenu arbitrable (c’est-à-dire le revenu obtenu après déduction des dépenses pré-engagées) à 169. La combinaison de ces évolutions tarifaires et ces évolutions de revenus arbitrables signifient que nous pouvons (globalement) bel et bien nous acheter, à ces PPC, plus de films en vidéo qu’il y a 20 ans. Résultat pas forcément surprenant : une édition vidéo reste, après tout, un produit technologique, dont l’accessibilité financière tend très généralement à augmenter avec le temps (exemple typique : la démocratisation des TV ou des smartphones).

Dès le milieu des années 2000, le DVD a aussi vu passer des éditions ultra-collector à des tarifs de cet ordre : le coffret 5 DVDs Blade Runner (2004) est sorti à 50€, il y a eu les collectors Ghibli en bois en 2007 (50€), les collectors Wild Side à 35€ (Old Boy) ou 45€ (Le labyrinthe de Pan), les éditions collectors de HK Vidéo (35€ pour The Blade). S’il est vrai que plusieurs de ces films étaient aussi simultanément édités dans des versions plus simples et moins chères, le fait est que cette typologie de produits, souvent gavés de bonus et/ou de contenu papier, dans un packaging plus imposant, et vendus plus chers n’est pas arrivée il y a, disons, 6 à 7 ans (avec, grosso modo, la percée des éditions limitées Arrow en Angleterre, l’arrivée des multiples digibooks Wild Side, et des UCE Carlotta), mais est bien plus ancienne.

Si on prend le sujet à l’envers, on peut aussi montrer qu’à « qualité égale » (VHS vs DVD – je prends le DVD puisqu’il représente la majorité des ventes physiques en France), les achats effectués au PPC coûtent moins cher qu’avant (30-40€ la VHS, 15-20€ le DVD) tandis qu’à prix égal (40-60€), la technique et le contenu sont largement supérieurs à ce qu’on avait avant (UHD, livre, packaging premium, etc).

Qui plus est, il s’agit là d’éditions parues… en plein pic du marché vidéo physique en France : le pic du DVD a été atteint en 2004, celui du Blu-ray en 2012 (source : CNC). Dans le cas du Blu-ray, en 2012, les 14.09 millions de ventes ont représenté 223.69 millions d’euros, soit 15.86€ le Blu-ray en moyenne. En 2019 (pour parler pré-pandémie) ? Les 10.86m de Blu-rays vendus ont représenté 122m€ de ventes… soit 11.23€ le Blu-ray. La théorie de l’élasticité des prix a évidemment ses limites, connues depuis de nombreuses années, mais cet état de fait général en est sans doute l’élément le plus symptômatique : on achetait plus de DVDs et de Blu-rays quand ils étaient… plus chers. Par ailleurs, steelbooks (et autres Titans of Cult, pour prendre des ressorties de studios) font fi de leurs prix plus élevés et attirent les clients sans forcément trop forcer sur leur contenu (de la même manière que, sur des nouveautés, Disney sont capables de faire péter les scores avec leur steelbooks UHD/BR/DVD à 35-40€). Chez les studios d’ailleurs, Universal le précisaient explicitement fin 2019 : en UHD, « un certain nombre de films intermédiaires mais également de grands classiques du catalogue fonctionnent très bien en 4K, notamment lorsque l’on propose une édition spéciale avec un packaging premium (Steelbook entre autres). » (source : Multimédia à la Une #264).

Cela signifie, tout d’abord, que ces tarifs ne sont donc pas nouveaux, mais aussi qu’ils ne semblent pas responsables (en tout cas pas seuls, et potentiellement pas de façon majoritaire) de la chute actuelle du marché, puisqu’ils ont parfaitement cohabité avec les pics passés de performances du marché. L’impact du prix sur les comportements d’achat semble donc relativisable.

On peut aussi relativiser la taille de la population concernée par ces cas de figures car oui, évidemment qu’il y a aussi des choix éditoriaux onéreux (qu’ils soient plus ou aussi nombreux qu’avant), qu’évidemment cela implique que X consommateurs peuvent décider que cela n’est pas pour eux, et que cela fait donc des ventes en moins. Sauf que si ce X représente 500 ou 10 000 personnes, tout aussi évidemment, l’impact sur le marché n’est pas le même. Et les chiffres disent qu’on est probablement plus proches du premier ordre de grandeur que du deuxième.

Enfin et de toute manière, l’érosion du volume du marché physique a donc commencé… dès 2005 (avec seulement un rebond de 3 ans suite au lancement du Blu-ray, qui a atteint son pic en 2012). Son érosion en valeur a commencé encore avant cela (2004 au moins). Les choix éditoriaux de ces 6-7 dernières années ne sauraient donc être responsables d’une chute qui a commencé 10 ans avant leur apparition. De la même manière, la forte percée de la SVOD date grosso modo de 2016… au moins 11 ans après le début de la chute du marché physique, et 3 ans après celui des ventes de Blu-rays. Cela signifie que le marché a pu parfaitement se vider de ses consommateurs sans avoir un vase communiquant interne (comme d’autres formats physiques ou la SVOD). Ce n’est pas surprenant : le marché LaserDisc et VHS n’a jamais été aussi important que celui du DVD, il y a donc eu des gens qui n’achetaient pas d’éditions physiques avant et qui s’y sont mis un jour… et ils ont tout à fait pu finir par arrêter un jour. Avec le recul, il est légitime de se demander si le marché de masse qu’on a connu avec le DVD a pu simplement relever d’un phénomène ponctuel, attirant de nouveaux clients qui ont estimé après quelques années qu’ils pouvaient s’en passer, comme ils s’en étaient passés avant. Effet de mode ? Effet lié à la bascule technologique et l’euphorie numérique qu’elle a a pu générer ? Impossible à dire, mais le marché de niche semble simplement retourner au marché de niche.

Par ailleurs, la baisse du marché vidéo physique de 2016 à 2019, en volume comme en valeur, n’est pas notablement plus importante qu’entre 2013 et 2016. La pandémie et les changements bien plus profonds et structurels qu’elle a causé (y compris en terme d’accès aux points de vente) changent bien sûr la donne, mais avant elle, la percée de la SVOD notamment n’a aucunement fait particulièrement se vider le marché vidéo physique. Tant d’un point de vue de la chronologie que des causes attribuables, l’idée que la percée de la SVOD serait un élément spécifiquement contributeur à la chute du marché dans son ensemble est donc largement discutable.

2013-20162016-2019
Evolution moyenne par an en valeur-14.5%-12%
Evolution moyenne par an en volume-9.16%-10.7%

Conclusion :

Cela fait des décennies que des films sont vendus à des tarifs pareils, et en plus, y avait déjà des gens pour les acheter. Pire : payer moins cher n’est pas la question, puisque les prix d’achat ont baissé sans que les ventes remontent pour autant, tandis que les éditions plus prestigieuses ont sans aucun doute un public toujours présent. Le problème est donc ailleurs. Mais pas dans la SVOD : le marché a chuté sans l’attendre, probablement simplement car les consommateurs arrivés avec le DVD sont ensuite revenus à leurs habitudes d’avant et ont quitté le marché comme ils y étaient apparus. Le marché vidéo physique de redevient la niche qu’il avait été jusque là.

« Le moindre film qui sort, c’est 30€, voire 35 ou 40€ de plus en plus. »

Ce point rejoint en partie ce qui sera discuté plus bas, mais s’il y a effectivement un mouvement éditorial de fond visant à évènementialiser certaines sorties physiques, quitte à ne les proposer qu’à des tarifs eux aussi évènementiels, cette phrase est assez clairement exagérée.

C’est d’ailleurs démontrable : on a la chance de nos jours d’avoir des bases de données suffisamment exhaustives pour donner une idée de la proportion de ce genre de tarifs, et son évolution avec. Il « suffit » (cela reste tout de même fastidieux, mais on essaie d’être factuel ou on se contente de son ressenti) donc d’aller piocher dedans.

Grosso modo en France sortent chaque année sortent environ 350-400 éditions BR et/ou UHD indépendantes (cumulées), le chiffre fluctuant évidemment d’une année à l’autre. Sur ces 350 éditions annuelles, on ne compte guère plus de 15-20% d’éditions placées à 30€ ou plus et sans aucune alternative (50-80 sur 350-400). Cela peut être Sans Soleil (Potemkine), Pierre Cardin (L’atelier d’images), Monsieur Klein (Studio Canal), le coffret King Hu (Spectrum), ou les digibooks Wild Side (Nos plus belles années), un éditeur comme Coin de mire, dont toutes les nouveautés sont à 32€ et donc incluses ici, faisant grimper ce chiffre. Cependant, ne sont pas comptées ici certaines éditions mega-collectors-maxi-best-of-XXL façon majors US, qui sont quasi systématiquement en complément des éditions traditionnelles (et ne sont donc pas le sujet ici). Les éditions Prestige ou Ultra Collector de Carlotta ne sont pas incluses non plus, puisque des alternatives sont directement offertes à moindre prix.

Dire « le moindre film qui sort c’est 30€, voire 35 ou 40€ » est donc très largement éxagéré. Seule la partie « de plus en plus » semble plus concrète : si on s’en tient à un pur bilan comptable, il y a effectivement sans trop de doutes plus de sorties premium onéreuses (y compris à 35€ ou 40€) actuellement qu’il y a 7 ans (j’invite les plus courageux à compléter cette analyse pour sortir le chiffre exact, m’étant satisfait d’une « simple » estimation sur 15 éditeurs indépendants), sauf que cela ne représente malgré tout que 15-20% des sorties. Ce n’est pas surprenant : si autant d’éditions sortaient à plus de 30€, il serait impossible d’avoir les moyennes de prix d’achat actuelles. Si le PPC moyen à 20€ donne les chiffres actuels dont une moyenne d’achat à 11€, un marché majoritairement à 30€ (voire 35-40€) nous amènerait à une moyenne de prix d’achat bien plus élevée aussi. On peut imaginer ce résultat en regardant ce qui se passait aux tous débuts du Blu-ray : le PPC moyen d’un Blu-ray était plutôt à 25€, moyenne d’achat à 20€. Près du double de la moyenne d’achat actuelle. Rien à voir, donc.

Par ailleurs, comme écrit plus haut, n’oublions pas que des sorties collectors comme celles de titres Star Wars, Disney, Marvel (et autres grosses machines) sont très bien capables de faire au moins 15 000 ventes (bien plus que ce que font les indépendants, qui tournent généralement entre 1 000 et 3 000 exemplaires), avec pourtant des tarifs similaires (30-35€). De même, quoiqu’on pense esthétiquement de ces éditions, les sorties VHS-Retro-Box d’ESC semblent plutôt bien s’écouler malgré des tarifs ostensiblement élevés (35-40€). On en revient donc au questionnement de la corrélation directe entre PPC élevé et comportements d’achat, et au fait que l’un n’empêche pas forcément l’autre.

Pourquoi le ressenti se fige-t’il alors sur ces sorties en fait ultra-minoritaires et non sur tout le reste des sorties ? On peut supposer qu’il s’agit là des mêmes biais que ceux visibles ci et là dans certains ressentis autour du prix des places de cinéma : en moyenne, le Français paye son billet 6.7€, mais on entend surtout se plaindre à propos des 5% de places achetées plus de 15€…

Conclusion :

Il fallait lire « Seuls 20% des films sortent à 30€ ou plus, sans alternative standard moins chère ».

« Le marché français est majoritairement onéreux, et tout le monde y perd. »

Cette affirmation résume assez bien l’ensemble de ce qui a été discuté ci-dessus : une telle assertion est simplement bien trop définitive dans un marché en fait bien plus hétérogène.

On l’a vu au-dessus : « tout le monde » n’existe pas. Qui plus est, ce point de vue n’inclut pas les éditeurs et se concentre sur les porte-feuilles des consommateurs, mais « les » consommateurs n’existent pas non plus : il y a un ensemble de consommateurs aux comportements variés et parfois opposés, ce qui va aux uns n’allant pas forcément aux autres. Donc « tout le monde » n’y perd pas : certains y perdent, et d’autres y gagnent dans le même temps.

On ne peut donc pas généraliser de la sorte, sous peine instantanée de se voir répondre la flopée de contre-exemples ci-dessus. La question est plutôt de savoir qui de ceux qui y gagnent ou y perdent sont les plus nombreux. Ce qu’on sait, notamment en comparant les mises en place des indépendants, du patrimoine, des éditions premiums et des sorties plus grand public, c’est que le marché s’est surtout vidé du grand public, ni collectionneur, ni technophile, celui-là même qui pratique le multi-buy au moins cher, ne cherche pas du packaging qui claque, du bonus à fond, du livre-parpaing et du gros objet, mais celui qui plébiscite pour la xième année consécutive La grande vadrouille, la ressortie Star Wars de l’année, et le dernier Disney, notamment comme cadeau de Noël. Et c’est logique : ces titres trustant les tops des ventes, ce sont eux dont la moindre chute affecte de façon visible le marché vidéo et dont la structure de ventes façonne celui du marché vidéo. Bohemian Rhapsody, c’est au moins 400 000 ventes tous supports confondus. 10% de moins, c’est 40 000 ventes de moins, soit l’équivalent de 15 sorties indépendantes cumulées. C’est donc ce public qui explique que le DVD représente encore 80% des ventes en volume et 70% en valeur, et c’est aussi lui qui mène ces moyennes des prix d’achats. Et lui achète surtout des éditions DVD en boîtiers plastiques simples à 20€, ou alors en promo 10 pour 50€. Si on veut parler de majorité, la voilà.

« Majoritairement » onéreux ? De la même manière, faudrait-il encore que ces éditions premium pèsent suffisamment dans les sorties et les ventes pour cela. Même si les 400 éditions indépendantes (puisque ce sont principalement elles qui sont visées) sortant en Blu-ray chaque année étaient toutes limitées, onéreuses et se vendaient à hauteur de disons 2 500 exemplaires chacune, elles ne représenteraient encore que 10% des ventes de Blu-ray (1 million sur 11). Si on veut parler de la « majorité » du marché, pas de soucis, mais alors de quoi parle-t’on précisément ?

Par ailleurs, comme on le dit plus haut, une partie non négligeable des consommateurs sortis du marché physique ces 15 dernières années (en particulier entre 2004 et 2010) venait surtout d’un grand public occasionnel, friand d’éditions plutôt simples en boîtier plastique, le plus souvent la dernière nouveauté du moment ou sinon en promo multi-buy, et principalement en DVD. De fait, ce ne sont pas ceux qui achetaient le coffret collector de The Blade, et ils auraient bien du mal à être refroidi par les tarifs d’éditions qui ne les ont jamais visé ni intéressé à la base.

Conclusion finale :

Mieux vaut donc écrire : « Une partie congrue du marché français est chère, et certains consommateurs y perdent. »

Sources :

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