
Auteur | Maxime Lachaud |
Editeur | Rouge profond |
Date de sortie | 20 novembre 2020 |
Pagination | 350 pages |
Le travail d’éditeur a beau être primordial afin de permettre de mettre en avant les films composant le cinéma, en particulier dans le cadre de films de patrimoine, aucun livre n’avait jusqu’à présent mis en avant le travail du monde éditorial de la vidéo française. Ce ne sont pourtant pas les éditeurs de prestige qui manquaient lors du boom du DVD au début des années 2000, que ce soit Wild Side, Carlotta, Gaumont, HK Vidéo ou Potemkine. C’est ce dernier éditeur que Maxime Lachaud a choisi afin de détailler à la fois le travail d’un éditeur vidéo en France mais aussi analyser le résultat des choix éditoriaux en retraversant 12 ans d’oeuvres éditées par Potemkine.
Le livre s’articule en 4 temps. Tout d’abord, une première section d’environ 80 pages, centrée sur le travail de Potemkine l’éditeur/distributeur. A travers des interviews avec les employés (actuels ou anciens), notamment de Benoit Dalle et Nils Bouaziz, Lachaud nous fait vivre le quotidien de l’éditeur, que ce soit les déboires financiers autour des films de Jacques Rozier, l’investissement important (pour la taille de l’éditeur) mis pour éditer et distribuer Lars Von Trier, mais aussi tout ce qui tourne autour de l’éditeur : les rencontres et dédicaces organisées dans sa boutique, sa logique éditoriale (dans le choix des films, des bonus ou des aspects techniques), ou bien encore les ciné-mix pour les films muets. Il s’agit là d’une partie particulièrement passionnante, d’autant qu’on ne pourra pas reprocher aux entretiens de faire dans la langue de bois ! Au contraire, la lucidité quant aux difficultés du métier, les évolutions compliquées du marché et la part risquée d’irrationnel est constamment présente, sans détour.
Cette partie est complétée par la quatrième section du livre, qui fait environ 15 pages et est consacrée aux visuels des éditions de Potemkine, à travers notamment un entretien avec Laure Boivineau, graphiste récurrente de l’éditeur. Cette interview permet à la fois de comprendre l’approche de l’éditeur mais aussi sa relation de travail avec la graphiste, le tout agrémenté de nombreux visuels alternatifs pour plusieurs sorties et coffrets (Epstein, Kalatozov, Requiem pour un massacre, etc). Le livre se clôture sur le récapitulatif du catalogue complet de l’éditeur (avec le détail des bonus de chaque édition), depuis sa première édition DVD en 2007 jusqu’aux toutes récentes sorties du 1er décembre 2020.
La deuxième partie, qui fait environ 150 pages, voit Lachaud traverser de façon chronologique les sorties qu’il considère les plus emblématiques de l’éditeur. Il s’agit moins ici de parler éditions vidéo et distribution en salles que de partir du catalogue de l’éditeur pour analyser artistiquement les films sortis par Potemkine, en agrémentant parfois ces analyses d’entretiens avec les cinéastes concernés (Korine, Hadzihalilovic, Gonzalez, etc). Le lien est parfois fait avec le travail éditorial, le positionnement du film dans le catalogue Potemkine, ou l’inclusion de tel ou tel supplément, mais le plus souvent, il s’agit de critiques artistiques des oeuvres éditées. Il n’empêche qu’en traversant 12 ans d’éditions vidéo de cette façon condensée, Lachaud fait ressortir en filigrane le fil conducteur de l’éditeur, tisse des liens, trace le cadre de ce qui intéresse particulièrement l’éditeur au point de vouloir travailler dessus. On pourra, à la rigueur, reprocher peut-être une certaine superficialité de certaines analyses, la faute à la structure même en multiples petites analyses, mais cela permet aussi de rapidement passer à la suivante quand il s’agit d’une oeuvre qui nous intéresse moins ou que le propos de Lachaud se fait un peu moins nouveau.
Enfin, la troisième partie, d’environ 60 pages, est une compilation de 18 « tops 5 » détaillés d’éditions Potemkine, choisis par des intervenants plus (Bouaziz, Noémie Moreau, Natacha Missoffe, agnès b., etc) ou moins (Gaspar Noé, Bertrand Mandico) directement liés à l’éditeur. Dans cette partie aussi, les discours sont plus souvent liés aux films eux-mêmes qu’au travail éditorial, même si les employés font logiquement plus souvent le lien avec leur travail sur ces sorties. Si là aussi, certaines analyses s’avèrent très brèves, la multiplicité des intervenants permet des angles d’approches suffisamment variés et évitant les redondances d’un top à un autre, même quand la même édition est choisie.
A la fin de cette lecture, on ne peut s’empêcher d’avoir l’impression, comme le sous-titre du livre l’indique, d’avoir traversé « une aventure du DVD en France », un travail encore trop rare, pour ne pas dire unique, et permettant d’approcher l’immensité du cinéma et des oeuvres le composant à travers le prisme du travail éditorial d’un de ses passeurs. Si le format aurait sans doute mérité de consacrer un peu de pages aux oeuvres et un peu plus au travail éditorial en lui-même, la sensation reste celle d’avoir mieux saisi à la fois ce qui anime l’équipe de l’éditeur et la cohérence des choix effectués dans le corpus mis à disposition.
Potemkine et le cinéma halluciné, par Maxime Lachaud. 350 pages. Paru le 20 novembre 2020 chez Rouge Profond. 45€.